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Bibliothèques sans bibliothécaires, bibliothécaires sans bibliothèques dans les Universités Congolaises

Problèmes d’impacts et d’identité.

RESUME - Directeur de la bibliothèque de l’Université Catholique du Congo (UCC) et doctorant en bibliothéconomie (Unikin), le père Willy Bunduki (omi), a un Master en Sciences de l’Information Documentaire (SID) de l’Ecole des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes (EBAD) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Dans ses recherches, il se préoccupe surtout de la situation de non développement et d’inefficacité des bibliothèques universitaires en RDC due, en grande partie, à la mauvaise gestion et prise en charge de ces structures. Ce qui n’encourage pas leur fréquentation.  Pour y remédier, il prône la remise des professionnels des bibliothèques au cœur du métier pour une pleine responsabilité. C ‘est là, pour lui, le début de toute solution.

Introduction

Notons d’emblée que notre but ici n’est pas d’exposer les affres des bibliothèques universitaires de la RDC, ni même discréditer ces grandes institutions universitaires; Mais, au-delà de ce qui peut paraitre un descriptif péjoratif, ce sont leurs conditions d’existence qui sont peintes ici. En effet, il s’y trouve de plus en plus des bibliothèques sans bibliothécaires et des bibliothécaires sans bibliothèques. Des réservoirs entiers de la culture, et de la connaissance scientifique à la merci des non qualifiés, alors que les professionnels eux, sont inutilisés ou non engagés. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé sans résultats mais par mauvais choix ou choix délibérés de ne pas s’en servir.

Un regard sur l’état des lieux de ces bibliothèques permet de constater leur adhésion à la démotivation, à l’obsolescence structurelle, et à l’absence de tout esprit d’initiative; Elles ne se développent pas, n’attirent même plus les usagers et n’assument plus leur vocation. Ces temples de savoir censés être des lieux de culture et réservoirs de la connaissance, sont pratiquement devenus des lieux sans valeurs. Depuis leur création à leur gestion, les bibliothèques ne répondent quasiment plus à leur vocation première : être des centres d’information et de documentation pour répondre aux besoins d’information des usagers. Par contre, elles semblent devenues « des poids de trop » pour leurs institutions respectives.  Apparemment ces « bibliothèques universitaires » sont là et existent parce qu‘il faudrait tout de même, pour leurs autorités, respecter la forme; sinon, on dirait, « quelle université sans bibliothèque ! ». Cela se remarque dans le traitement qui leur est réservé.  En réalité, la plupart d’autorités donnent l’impression de n’avoir que faire des bibliothèques qui sont de plus en plus exilées de leur institution de rattachement, mal gérées et sans véritables animateurs ; on y trouve des personnes qui n’ont que d’idées vagues de la gestion de bibliothèque. On y place très souvent des agents sans savoir s’ils sont ou non capables d’aider la bibliothèque et les usagers dans leur fonctionnement et la satisfaction de leurs besoins d’information. Ce sont généralement des agents prêts à tous travaux, des individus « touche-à-tout », ou dont on n’a plus besoin dans certains services, et même des « connaissances » (des membres de famille) qui, n’ayant aucun espoir d’embauche ailleurs ou dans leurs filières respectives, trouvent un point de chute dans la bibliothèque grâce à une connaissance (un parent) bien placé, phénomène appelé « Branchement » dans le langage vulgaire universitaire kinois surtout.

Généralement, dans ces cas de flagrance notoire, les responsables en charge des bibliothèques, ne se posent pratiquement pas la question de l’« assurance-qualité » et du développement de leur bibliothèque.  Eux, également, non formés pour la plupart aux techniques documentaires, n’ayant des bibliothèques que des connaissances rudimentaires et une compréhension moyenâgeuse de « maison contenant des livres », les évolutions modernes qu’ont dû subir les bibliothèques depuis l’invention des technologies de l’information et de la communication, semble n’avoir eu aucun impact sur leur compréhension de la bibliothèque. Aussi, n’est-il pas surprenant de trouver des bibliothèques universitaires sans bibliothécaires et des bibliothécaires sans bibliothèques.  Sans une véritable identité dans la profession, quels impacts attendre de ces bibliothèques et ces bibliothécaires dans la satisfaction des besoins des usagers et pour le développement de ces structures ?

Pour mieux illustrer nos propos, nous avons choisi de sillonner quelques-unes des bibliothèques universitaires de la RDC.

Pleins feux sur les bibliothèques universitaires congolaises

Elles sont généralement localisables dans l’enceinte de leurs institutions de rattachement.  Leurs créateurs avaient choisi de les placer dans des salles faisant office provisoirement, de « tenant lieu » de bibliothèque. A la longue, ces salles « provisoires », sont simplement devenues définitivement des bibliothèques universitaires. Cependant, leurs capacités d’accueil posent problème: manquent de locaux adéquats et d’espaces disponibles et adaptés pour la mise en place de tous les services pour une bibliothèque digne de ce nom : pas véritablement de salles de lecture, de bureaux, de magasins à proprement parler mais quelques rayonnages sur lesquels sont posés des livres. Pourtant, la plupart d’organigrammes de ces bibliothèques arbore fièrement de 21, 17, 13 postes, contrastant sérieusement avec la capacité de leurs locaux.  On y trouve à dire vrai, de nombreux services dont on a de la peine à définir les contours et contenus, au vu de l’inactivité des uns et l’affairisme des autres sur place. De toutes ces panoplies d’agents confinés dans des minuscules espaces, pas beaucoup de qualifiés en techniques documentaires comme la bibliothéconomie, mais de nombreux agents provenant d’horizons divers et constitués des non professionnels. Il sied cependant de souligner, des témoignages recueillis dans certaines bibliothèques, que les récolements n’y ont plus jamais eu lieu; Suite à différents problèmes internes, leurs fonds documentaires ne sont que rarement inventoriés. Aussi, nonobstant ces graves lacunes, on y trouve quand même quelques catalogues manuels datant d’une certaine époque et donc ne reflétant pas exactement la réalité du contenu du fonds diffusé. Dans ce contexte, inutile d’évoquer l’informatisation de la bibliothèque, ni la présence des documents numériques : pas d’informatisation aux programmes. L’état même des fonds documentaires laisse transparaitre une sérieuse défaillance dans le domaine des acquisitions. A cela s’ajoute l’absence de toute planification pour les acquisitions, l’inexistence des politiques documentaires. Un véritable problème de management qui se pose avec acuité ;

Constats

Au vu de cet état des choses, impossible pour nous de ne pas dresser un réquisitoire des problèmes liés à ces Bibliothèques Universitaires dont celui ayant trait au local, au management, au budget, à l’épineuse question du réaménagement interne, au personnel comme signalé plus haut : nombreux des agents y sont sans trop savoir ce qu’ils y font ; ils ont été engagés, transférés, ou envoyés là par manque d’option disponible dans d’autres filières. On note chez nombreux d’entre eux un manque de motivations profondes pour l’exercice de leur travail en bibliothèque.

Regards croisés

Ces situations sont caractéristiques mieux, symptomatiques, de beaucoup des bibliothèques universitaires en RDC où il y a des bibliothèques sans bibliothécaires pour leur gestion et administration, mais des personnes de bonne volonté ou que la hiérarchie juge aptes à travailler à la bibliothèque. Problème : cet état des choses ne peut rien arranger des conditions des bibliothèques en RDC si l’on ne veut pas prendre à bras le corps leur situation générale censé passer par une bonne administration et organisation et surtout par un esprit de responsabilité en plaçant l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. 

La situation des bibliothèques universitaires en RDC soulève la question de la compréhension, par beaucoup, de la bibliothèque en elle-même, de son utilité, de sa mission, de ses objectifs et surtout celle de l’identité professionnelle des bibliothécaires dans le chef des dirigeants des universités. Ce qui peut avoir des impacts sur le développement et le devenir de ces temples du savoir.  Notons par ailleurs que le développement des technologies de l’information et de la communication (Tic) a ouvert un débat sur l’avenir des bibliothèques et sur l’identité professionnelle du bibliothécaire. Depuis quelques années maintenant, les Tic ont modifié les habitudes et les pratiques de gestion des bibliothèques et des bibliothécaires. Elles ont aussi un impact non négligeable sur les habitudes et les comportements de communication des usagers. La multiplication des moyens d’information ainsi que la diversification des pratiques de lecture, questionnent profondément les bibliothèques dans leur fonctionnement, leur mission et leur avenir.  Si l’avenir des bibliothèques est interrogé, celui des bibliothécaires et de leur identité l’est largement.  En effet, l’invention des technologies de l’information et de la communication, et surtout de l’internet, a démocratisé  l’accès à l’information, car  alors qu’autrefois l’information était recherchée dans des lieux précis, et les gens « allaient chercher l’information », ce qui renforçait l’image de marque et la place de la bibliothèque et  du bibliothécaire, aujourd’hui l’information est devenue une affaire de tous  et tous peuvent y accéder  où  qu’ils soient,  à n’importe quelle heure ; l’information est ainsi mise à la portée de tous sans nulle besoin d’intermédiaire. Finalement c’est l’information qui va vers l’utilisateur.

Si pendant longtemps, l’imprimé et le support papier ont constitué l’essentiel des collections des bibliothèques, aujourd’hui, les collections sont passées des supports textuels aux supports optiques, électroniques et multimédia qui eux, utilisant la technologie numérique, offrent d’autres possibilités d’accès à l’information. Mais du moins, l’on  s’accorde sur le fait que les Tic ont provoqué une véritable crise d’identité chez les bibliothécaires[1]. Comment, dans un pareil contexte, comprendre la bibliothèque ? Comment concevoir l’identité des professionnels des bibliothèques ? Comment doivent-ils se définir et définir leur profession et leur rôle en cette époque des Tic et de l’Internet ?

L’Identité professionnelle du bibliothécaire

Le sociologue Jacques Ion définit l’identité professionnelle comme « ce qui permet aux membres d’une même profession de se reconnaître eux-mêmes comme tels et de faire reconnaître leur spécificité à l’extérieur ». Cela suppose un double travail d’unification interne d’une part, de reconnaissance externe d’autre part. Des matériaux autres que les modèles professionnels participent à la construction de ces identités  qui se constituent dans les similitudes d’accès au métier, se forgent dans le creuset des institutions de formation, se nourrissent de la culture du métier et se légitiment et se consolident au sein des organisations de défense et de représentation collective[2]

Claude Dubar appelle identités professionnelles, « les formes identitaires dans le sens de configurations « Je-Nous » repérables dans le champ des activités de travail rémunérées ; les formes visées ne sont pas seulement relationnelles, mais aussi biographiques. Ces identités professionnelles sont des manières socialement reconnues de s’identifier les uns les autres  dans le champ du travail et de l’emploi[3].  Dubar associe les processus biographiques de construction d’une « identité pour soi » et les mécanismes structurels de reconnaissance des « identités pour autrui ». Les identités chez lui dépendent des relations avec les autres et de la perception subjective de sa situation. Les identités professionnelles sont des « conceptions de soi au travail » qui mettent en jeu les relations entre identité personnelle et identifications collectives. Claude Dubar arrive ainsi à construire un modèle des différentes formes identitaires: sur l’axe temporel, il distingue des discours de continuité de trajectoire et des ceux qui manifestent une série de ruptures qui sont soit choisies, soit subies. Sur l’axe spatial, on distingue soit une reconnaissance de la part des partenaires d’emploi et de formation, soit une non reconnaissance des acteurs de la situation vécue. Les formes identitaires se situent donc au croisement des constructions biographiques voulues et des processus relationnels de reconnaissance par autrui, plus subis. Aussi, pour mieux saisir cette notion d’identité, Dubar propose d’articuler le biographique et le structurel. Pour lui, même si la définition de l’identité professionnelle fait problème en sociologie, c’est d’abord la marque d’appartenance à un collectif, qui permet aux individus d’être identifiés par les autres, mais aussi de s’identifier eux-mêmes face aux autres. Donc chaque individu a des identités multiples ; il appartient à différents groupes.[4]

Cette identité professionnelle se manifeste d’abord par le choix d’une formation qualifiante qui implique un modèle de socialisation professionnelle conçue comme une initiation à la culture professionnelle et comme une conversion de l’individu à une nouvelle conception de soi et du monde, bref à une nouvelle identité[5].  Cette identité sociale, selon Emile Durkheim, se transmet par l’éducation et un processus de socialisation qui s’achève avec l’initiation. L’identité professionnelle serait donnée par les groupes professionnels qui sont chargés d’initier les membres aux règles, aux « idées, sentiments et intérêts » de leur communauté de travail[6]. Le sentiment d’identité découle logiquement du sentiment d’appartenance à une profession socialement indispensable, d’une longue socialisation et de l’usage d’un vocabulaire particulier, le tout constituant un espace social que l’on peut clairement identifier. L’identité repose ainsi sur l’appartenance à un groupe professionnel, la catégorie sociale reposant, elle, sur la déclaration d’une profession. Le Code des Professions et Catégories Sociales a une influence certaine car, le simple fait d’occuper un emploi d’une telle catégorie reconnue confère une forme d’identité sociale et professionnelle.

De cette compréhension de l’identité professionnelle, où situer la vocation du bibliothécaire ? Une profession ou un métier ?

Bibliothécaire : profession ou métier ?

Être bibliothécaire requiert un ensemble de techniques et de savoir-faire à acquérir. Des aptitudes naturelles peuvent se combiner avec les compétences acquises pour rendre le bibliothécaire plus opérationnel et plus naturel dans son travail. Les compétences sont l’ensemble des capacités nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle et la maîtrise des comportements requis. L’aptitude est la disposition naturelle ou acquise d’un individu, impliquant un comportement. Les aptitudes sont essentielles dans l’activité professionnelle.  Elles permettent une meilleure efficacité de la personne et sa bonne insertion dans son milieu de travail.

Du métier à la profession du bibliothécaire

La finalité de la profession pour les bibliothécaires est de montrer que l’existence de leur profession est indispensable à l’information et à l’éducation des usagers en particulier, et de la population en général; d’où la nécessité pour eux de détenir un savoir spécifique. C’est là la place et le rôle de la formation qui est de donner, dans la bibliothèque, une vraie place aux traitements documentaires, de développer la gestion c’est-à-dire la collecte, le traitement et la diffusion de l’information comme une réelle expertise documentaire, mieux, « bibliothéconomique ».

Les savoirs propres à la profession tels que la recherche documentaire, le processus de médiatisation, la valorisation du patrimoine documentaire, le système de gestion intégré des bibliothèques proviennent de la formation et permettent de tracer la démarche professionnelle des bibliothécaires, de formaliser leur langage commun et enrichissent leur rôle comme bibliothécaires.  Le rôle de la formation c’est aussi d’accompagner les bibliothécaires dans les changements et adaptations possible qui peuvent survenir durant l’exercice de leur profession. La formation à la profession du bibliothécaire favorise la mise en œuvre du processus de la profession car elle contrôle, valide et certifie l’expertise professionnelle, sans oublier les principes de la formation professionnelle.[7]  Les bibliothécaires ne pratiquent pas seulement un travail manuel, technique ou mécanique reposant sur un ensemble de savoirs incorporés comme le dit Permalien[8]. Ils exercent une profession qui fait appel à des savoirs savants, de plus haut niveau et une capacité d’abstraction, nécessaire pour atteindre le général ; la science bibliothéconomique se « professe » ; autrement dit, elle « s’enseigne » par des explications orales des savoirs et des pratiques. Il y a une théorisation de la science qui s’accompagne de la pratique, au mieux, une rationalisation discursive de l’action.

Le « bibliothécaire » ne pratique donc pas un métier, mais il exerce une profession, car il est le fruit d’une formation suivie et subie d’années d’études assorties ou sanctionnées par une reconnaissance des diplômes.  Cependant une profession a ses pratiques. Ce qui en fait aussi un métier. Aussi, nous revient-il ici de dire qu’il y a une différence à établir entre un bibliothécaire (professionnel des services d’information documentaire) et un agent (commis au service de la bibliothèque). Généralement ces « Agents » sont là « à défaut » des bibliothécaires attitrés. Aussi, pour mieux faire ressortir la valeur professionnelle du bibliothécaire et de son service, il nous semble pertinent de revenir sur les notions même de bibliothèque et de la fonction même du bibliothécaire. 

Qu’est-ce qu’un « Bibliothécaire » ?

Est bibliothécaire, tout professionnel de service d’information documentaire ayant validé des études professionnelles en sciences de l’information documentaire avec spécialisation en bibliothéconomie ;  Il désigne d'une manière générale « une personne à qui sont confiées des tâches de gestion des collections documentaires et d'aide aux usagers dans une bibliothèque, mais aussi des fonctions d'administration générale (gestion du personnel, informatique, finances, action culturelle) »[9] . Cependant, ce terme est utilisé dans plusieurs pays notamment en Rdc « pour désigner des personnes assurant des fonctions d'encadrement au sein des bibliothèques ; dans d’autres pays mieux avancés dans ce domaine  comme le Sénégal, on trouve également le terme  conservateur, pour désigner des bibliothécaires de niveau scientifique bien avancé généralement  de catégorie A, comme le Master2 »[10]; certains même sans qualification de formation se présentent en bibliothécaires bénévoles [11] : ils remplissent quelques responsabilités liées aux services de référence, à la gestion des ressources documentaires, humaines, et financières et maintiennent la bonne marche de la bibliothèque, afin de répondre de manière rapide aux besoins d'information des usagers. Plusieurs dénominations les accompagnent selon les postes qu’ils occupent : ainsi on trouve les termes comme « agents de bibliothèque », « commis de bibliothèque », « assistant de bibliothèque », « bibliothécaire adjoint », « bibliothécaire associé », « magasinier », « adjoint du patrimoine »[12]; Toutefois et du moins en apparence, ils se caractérisent par la même passion, le même engagement dans les fonds documentaires au service des utilisateurs ; Mais cela n’est pas toujours le cas car, il existe bel et bien des « parachutistes » qui causent bel et bien des problèmes dans des bibliothèques  et qui y sont arrivés par des désignations farfelues.

Ce terme " bibliothécaire " tel qu'il est employé par le grand public cache en fait un nombre considérable de profils de postes différents. Du conservateur au magasinier ou agent du patrimoine, et du directeur d'un grand établissement au bénévole d'une petite bibliothèque, ce métier recouvre des réalités très diverses. Si autrefois devenir bibliothécaire n’exigeait pas de formation professionnelle, aujourd’hui le personnel des bibliothèques est de plus en plus et dans beaucoup des pays, composé quasi exclusivement des professionnels qui restent donc soumis aux règles (statuts) d’organisation régissant la fonction publique ; ce qui n’est pas le cas en Rdc. Toutefois, notons que des aptitudes spéciales ont pu faire de certains non-professionnels de bibliothèque, de bons bibliothécaires. Ce qui ne remet nullement en cause l’exigence de la formation professionnelle pour cette profession et pour une meilleure efficacité.

Mission du bibliothécaire.

Le travail au sein d'une bibliothèque peut varier en fonction de l'importance donnée à certaines missions plutôt qu'à d'autres[13], du type de public que reçoit la bibliothèque, des types de documents gérés, de(s) domaine(s) de spécialisation, de son niveau de modernisation. Un bibliothécaire peut exercer dans le secteur public ou dans le secteur privé. Il a en général des missions d'accueil, d'orientation et de conseil envers le public dans sa démarche de lecture ou d’information, de gestionnaire d’information. Il est également chargé d'acquérir de nouveaux ouvrages, de les classer, de les conserver, d'organiser des expositions ou des rencontres autour d'un thème, d’accueillir, orienter et de conseiller le public dans sa recherche d'information, de rendre la bibliothèque vivante et attractive grâce à l’organisation des manifestations culturelles variées comme des rencontres avec les écrivains, les artistes et les éditeurs. De spécialiste du contenu, le bibliothécaire est devenu spécialiste de l’accès au contenu : il joue le rôle de médiateur entre les documents et les utilisateurs[14] et de plus en plus, le rôle d’accompagnateur.

Le personnel des bibliothèques est particulièrement chargé du développement et de la promotion de la lecture dans leurs structures et il est réparti en différents corps de métiers. A chaque corps correspond des missions différentes même si le personnel reste en fin de compte assez polyvalent. Faisons remarquer au passage que si la compétence et la disponibilité des bibliothécaires sont fortement applaudies dans certains milieux, la méconnaissance du travail accompli reste grande. Il reste cependant vrai que le bibliothécaire est d’abord au service des usagers de la bibliothèque. Il est passé de l’époque des collections à celle des services, de la maison des livres à la maison des usagers. Etre « Bibliothécaire », c’est une profession qui appelle une formation. Cependant, beaucoup ne gardent aujourd’hui qu’une idée très tronquée de cette profession : « un serviteur des livres », un « dépoussiéreur » des livres dans un local, un « monsieur en attente derrière son bureau de prêt », mais c’est surtout leur rôle de transmission des œuvres qu’on retient. L’image que le public se fait du bibliothécaire est très diversifiée et plurielle. Cette image est souvent entretenue par le comportement des agents eux-mêmes, images   peu séduisantes que certains agents donnent. Elle va des images archaïques voire dépassées aux images les plus modernes. Parfois les bibliothécaires sont présentés comme des personnages qui détiennent des secrets dans leurs collections. Dans « Le Nom de la rose » d’Umberto Eco, par exemple, la bibliothèque détient les secrets sombres et effrayants[15].

Identité sociale : le bibliothécaire, son image et les TIC

Depuis quelques années on assiste à des mutations dans le domaine de la bibliothéconomie. De plus en plus, on est passé de l’image du gardien des livres à des « images nouvelles du bibliothécaire ». En effet, l'outil informatique et la numérisation ont bouleversé ces professions. L'arrivée des technologies de l’information et de la communication constitue un axe important du travail de bibliothécaire qui connaît ainsi une révolution majeure à la mesure du développement de ces mêmes technologies. Peu importe l’endroit où il se trouve dans le monde, un chercheur parvient à accéder à l’information spécialisée et scientifique qui est devenue à la fois textuelle, audiovisuelle et numérique. Cependant, force est de reconnaître que l'information scientifique la plus efficace lui est fournie par l'intermédiaire des bibliothèques universitaires et de recherche. Cette évolution demande aux professionnels une nécessaire capacité d’adaptation, puisque les transformations sur les plans organisationnels, informationnels et technologiques se font bousculées à un rythme vertigineux. Dans ces conditions, certains pensaient déjà au changement du titre de leur profession – de bibliothécaire au cyberthécaires - pour prendre en compte les dernières évolutions de la profession. Cela va-t-il sans risque, de privilégier la technique aux dépens de la réflexion dans les métiers de bibliothécaire ? L’affaire a fait l'objet de débats en tout cas, et l’image du bibliothécaire s’en trouve fortement entamée.

Une image remise en question

Avec les derniers progrès réalisés par les TIC,  l’image du bibliothécaire se caractérise par une remise en question constante et qui semble remettre en cause l’existence des bibliothèques et donc du rôle et de l’image des bibliothécaires qui y sont assimilés; Dans ce débat qui perdure jusqu’à nos jours, est aussi soulevée la question de la bibliothèque virtuelle et du rôle et du devenir des bibliothécaires qui semblent de plus en plus exilés de leurs milieux par ces progrès techniques; On parle de plus en plus des «cyberthécaires », avec comme mission de « Piloter les usagers sur l’internet, filtrer et organiser l’information à leur intention, créer et gérer un site web, rechercher des documents dans des bases de données spécialisées » [16]. La mondialisation touche aussi leur secteur et atténue les conceptions traditionnelles de la profession. Le milieu est traversé par de nombreux débats et des inquiétudes empreints d'un certain pessimisme. Comment fidéliser le public ? Ce sentiment n'est pas spécifique au secteur des bibliothèques. Comme nombre de professions, celle des bibliothécaires est touchée par l'accélération du progrès à l'époque contemporaine.

Cependant, ces révolutions que les tics apportent, au lieu d’encourager le déclin des bibliotheques, impliquent une redéfinition de la profession et de l’image même du bibliothécaire et de la bibliothèque. L'impact des nouvelles technologies, l’explosion des échanges et la société de surinformation en particulier, nécessitent une réadaptation permanente aux évolutions de la société.

Voilà pourquoi il faudrait, au niveau d’un pays comme la RDC, l’existence de débats pour revoir le modus vivendi et le fonctionnement de ces structures documentaires pour les adapter aux conditionnements et évolutions actuels de la société. Il faudra par exemple arrêter tout esprit d’opportunisme, de clientélisme, de népotisme et de favoritisme dans ces milieux documentaires, pour faire ou laisser place aux véritables professionnels du domaine pour relever tous ces défis. Ce doit être l'occasion de mener une réflexion de fond. L'enjeu est de redéfinir les fondements de la profession de bibliothécaire, et surtout de la remettre à sa juste place au centre des réseaux d'échanges d'informations, des réseaux de transmissions de la connaissance, de la conservation du patrimoine, de la diffusion de la culture, de l'animation et de la circulation des idées et débats. En un mot, l'enjeu est de remettre le rôle des bibliothécaires au centre de la société.

Symptômes préoccupants en RDC

Force est de constater qu’en RDC, et plus spécialement dans les milieux universitaires, les « bibliothécaires » doutent d’eux-mêmes car ils sentent que les enjeux de la société de l’information leur échappent, alors qu’ils devraient en être des acteurs de premier plan. Leur profession n’attire plus les jeunes qui projettent sur eux des représentations négatives : statut social bas, inutilité d’un diplôme supérieur pour l’exercer, taches dévalorisantes. Avec les tics, il y a comme un déclin catastrophique des bibliothèques. Les bibliothécaires semblent ne pas prendre au sérieux ces menaces qui pèsent sur leur profession dont le changement de rationalité avec la crise de légitimité que connait la profession de bibliothécaire, la remise en question de la médiation admise jusque-là.  En tant qu’acteur d’un système qui produit, le « bibliothécaire » congolais connaît une remise en cause sans précédent d’activités considérées comme constitutives de son identité. Les progrès techniques actuels menacent d’amputer le travail du bibliothécaire d’une partie de ses responsabilités en matière de politique documentaire, sous l’effet conjugué du Web et des contraintes liées au droit d’auteur dans notre société de l’information d’aujourd’hui.

Aussi, quelle que soit l'institution dans laquelle les bibliothécaires évoluent professionnellement, ils ne décident plus seuls de ce qu'ils ont à faire. L'environnement en changement conduit ipso facto à de nouveaux rôles, à de nouvelles dimensions (nationale ou mondiale) ni forcément choisis, ni prévus. Les évolutions techniques qu’ont connues des bibliothèques ces dernières années surtout avec les nouveaux médias qui se caractérisent aujourd’hui par leur autonomie d'utilisation, modifient les attitudes des publics, et demandent d’eux de se réadapter car les technologies actuelles tendent à modifier l’image même du bibliothécaire par leur orientation vers le remplacement de tous les employés des bibliothèques par des machines automatisées, vers le changement du nom bibliothécaire par un autre, vers l’assombrissement de l’avenir des bibliothèques, vers la concurrence numérique qui semble réduire la capacité des bibliothèques , vers la croyance que le monde virtuel devient le monde réel, car avec la convergence des dispositifs numériques, il devient plus facile à obtenir chaque type d'information dont on a besoin et dont le volume croît de façon exponentielle chaque jour ; Avec la révolution  numérique, l’on peut obtenir tout ce qu’ une bibliothèque offre actuellement, y compris non seulement l'information, mais aussi les téléchargements de films, la musique et toutes les formes de médias sociaux dans leurs propres maisons, C’est la démocratisation de l’information qui, elle, veut être libre. Ce qui est très loin d’être acquis dans les bibliothèques  en RDC. En effet,

La fin d’une époque 

L’avènement des Tic a semblé sonner la fin d’une époque que Bertrand Anne qualifie de « fin de l'État-providence, de la culture légitime, de la place symbolique du livre (…), une rupture qui semble concomitante de la fin d'une période de développement des bibliothèques ».[17] Parmi les raisons de cette rupture il y a le fait que les Tic marquent la fragilisation des techniques bibliothéconomiques jusque-là admises[18] ; La démocratisation de l’information due aux Tic et surtout à l’internet a fait de celle-ci un héritage commun de l’humanité ; l’information se caractérise désormais par son ubiquité et son caractère ambulatoire. Les bibliothèques ne sont plus les seuls lieux privilégiés de savoir ou de connaissance ; La mise en place de nouveaux supports de l’information offrent d’autres possibilités d’accès à l’information ; ces nouveaux paramètres de lecture de l’information revoient à un rythme toujours à la baisse l’image même du bibliothécaire, son importance, son rôle ; d’où la question à la mode à l’heure actuelle: le bibliothécaire et les bibliothèques ne sont-ils pas voués à disparaitre ? Une profonde remise en cause de l’existence et de la pertinence des bibliothèques ainsi que de l’identité même de la profession est née. Prenant au sérieux ce changement de rationalité avec la crise de légitimité que leur profession connait et le déclin de la médiation admise jusque-là, les bibliothécaires tentent de bien se positionner. En tant qu’acteur d’un système qui produit, le bibliothécaire connaît une remise en cause sans précédent d’activités considérées comme constitutives de son identité professionnelle : médiateur entre les sources d’informations et des usagers, conservateur de la mémoire de l’humanité, gestionnaires des fonds (collections) documentaires.

Peu importe sa localisation, un chercheur parvient toutefois à accéder à l’information spécialisée et scientifique. Plus besoin d’un intermédiaire pour l’accès aux données ou aux informations ; Plus de perte de temps dans le butinage ou le papillonnage dans les rayons des bibliothèques ; Ces taches sont automatiquement générées par les ressources électroniques. Les outils de recherche sur internet tels les moteurs de recherche, les métamoteurs, les annuaires, les guides, les agents de veille, les agents intelligents permettent aux usagers, d’obtenir les informations recherchées de manière rapide, précise et pertinente grâce à une équation de recherche. Aussi, cette information est-elle à la fois textuelle, audiovisuelle et numérique.

Cependant, force est de reconnaître que l'information technique et scientifique la plus efficace lui est fournie par l'intermédiaire des bibliothèques universitaires et de recherches. Cette évolution demande aux bibliothécaires une nécessaire capacité d’adaptation, puisque les transformations sur les plans organisationnels, informationnels et technologiques se font bousculer de plus en plus à un rythme vertigineux.

Impact des tics dans la profession du bibliothécaire.

Que devient l’identité professionnelle des bibliothécaires dans ce contexte fortement marqué par le développement des technologies de l’information et de la communication ? Deux voies de figure se présentent à nous : d’une part l’impact des tics dans les pratiques documentaires des bibliothèques, et d’autre part dans la mission et l’être même du bibliothécaire

A. Les mutations dans les pratiques documentaires

Il y a tout d’abord deux constats à établir : d’une part  l’introduction   dans les espaces  des bibliothèques de nouvelles ressources numériques et numérisées par les technologies du numérique, et d'autre part,  la modification des modalités de recherche et de consultation accordant une  place prépondérante aux tics, comme l’indiquer Papy-Fabrice[19].  Ce qui, de fait,  non seulement modifie l'environnement documentaire et  provoque une transformation des usages et des pratiques, mais encore et surtout entraîne une modification du rôle des bibliothécaires.

Les Tic apportent des mutations réelles dans les pratiques documentaires des bibliothèques. Les modes de production de connaissances scientifiques et les pratiques des professionnels de bibliothèques ont évolué.  Il y a de plus en plus des changements dans les modes de collecte avec des commandes faites grâce au système de prêt entre bibliothèques (PEB). Les techniques de veilles documentaires permettent de rester en contact permanent avec des sources de production documentaire. La gestion des collections se fait de plus en plus de manière intégrée grâce à des systèmes intégrés de gestion des bibliothèques (SIGB : Koha, Pmb…). Les catalogues des bibliothèques sont de plus en plus informatisés et permettent la consultation en ligne des bases des données, ainsi que l’identification et le repérage des documents de la bibliothèque. Le prêt des documents aux usagers en bibliothèque se fait de manière informatisée. Le traitement documentaire qu’il s’agisse du catalogage, de l’analyse documentaire et particulièrement de l’indexation, est facilité grâce aux performances actuelles des Tics faisant ainsi passer les pratiques documentaires des traitements manuels aux traitements automatisés. Les conditions de production de ces connaissances scientifiques et techniques ont changé en faisant surgir le besoin impératif de modifier des pratiques professionnelles.  La numérisation et la gestion électronique des documents font partie intégrante des pratiques actuelles en bibliothèque et nécessitent l’usage des matériels adaptés. Les ressources manuelles couplées aux ressources électroniques ont tendance à faire des bibliothèques traditionnelles des médiathèques où non seulement sont en usage des imprimés, mais encore des images, des textes et du son.

L’abondante production des documents et le souci de bien organiser les informations en vue des recherches documentaires ont conduit les professionnels des bibliothèques à mettre au point de catalogues à l'aide des logiciels ou d'outils sophistiqués de catalogage et d'indexation, dont la plupart vient avec les tics, pour l'intégration d'informations dans les espaces d’information. La finalité ou le but visé est d'organiser le stockage d'informations recueillies pour pouvoir les repérer et les identifier facilement. Les techniques électroniques de gestion des bases de données se sont beaucoup développées.

B. Impacts sur le professionnel

  1.  Les tics et la mission des professionnels

Les professionnels des bibliothèques se caractérisent aujourd’hui, du moins dans la plupart des pays, par l’influence combien grandissante de la technologie dans leur environnement professionnel ; ils adhèrent ainsi aux idéaux de la modernité qui permettent d'expliquer comment les technologies et la profession ont été ajustées pour répondre à une même mission. L'identité actuelle des bibliothécaires implique que missions et technologies soient les deux faces de cette profession, car construites sur les valeurs de la modernité ; Les Tic participent de leur manière au progrès des missions des professionnels des bibliothèques, mission qui reste fortement marquée de nos jours par l’influence trop grandissante de la modernité et de l’impact que le professionnel subit du choc avec la technologie ; ce qui de fait influence également son identité. Les Tic apportent du dynamisme et de l’optimisme dans la mission du bibliothécaire qui a fini par assumer et assimiler ces progrès techniques et en faire un motif de fierté. Voilà ce qui rénove son image longtemps ternie par l’incompréhension d’un certain public.

  1.   Les tics et l’identité de la profession

Les tics ont modifié les habitudes de travail des professionnels de bibliothèque et par-delà, leur image et leur identité même, en rendant leurs tâches et l’exécution des services assez faciles, bien que cela demande beaucoup plus de technicité, d’esprit d’innovation. Elles apportent une « valeur ajoutée » en termes de gain de temps, de gestion de la structure et des documents, de consultation, et même de la recherche documentaire grâce notamment à l’accès en ligne des documents, à la numérisation, à l’internet. Il y a ainsi un impact non négligeable des Tic dans la gestion et l’administration des bibliothèques et qui rendent aisé le processus de recherche documentaire et au niveau aussi bien du professionnel, que de l’usager.

Le bibliothécaire est aujourd’hui obligé d’acquérir de nouvelles compétences liées à l’informatique, de traiter de nouveaux types de documents, voir en elles le moyen de favoriser un meilleur accompagnement de l'usager. La diffusion de l'Internet avec le développement du web marque un nouveau départ. Alors que ces nouvelles techniques se propagent rapidement dans la société, on remarque aussi du coup une sorte de concurrence avec les bibliothèques du point de vue du traitement et de la diffusion des contenus.  Aussi, sans se résigner au risque de se faire voler la vedette, les bibliothèques ont décidé d’adhérer massivement aux Tic, modifiant ainsi leur environnement. Les Tics leur offrent désormais une grande variété d'outils pouvant améliorer les services rendus par une bibliothèque à ses usagers. Aussi, l’Internet est-il de plus en plus utilisé comme outil de diffusion de l’Information ; mais cette joie que suscite son usage semble souvent céder la place au découragement devant la complexité et l'évolution rapide des outils proposés car, comme l’affirme si bien Borad-Membrede : « Depuis une quinzaine d'années, la place croissante des technologies de l'information et de la communication ainsi que du management des techniques non-identitaires constitue un phénomène susceptible de bouleverser les équilibres établis ».[20]

La position des professionnels des bibliothèques face aux Tic devient déterminante pour l’avenir du service et aussi pour l’identité de leur profession en elle-m&eci

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